Les entreprises chinoises « Chery », « Geely » et « JAC » s’apprêtent à fonder des usines pour produire leurs voitures localement en Algérie, alors que le marché des véhicules locaux est confronté à une crise de cherté et de pénurie d’offre.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une approche algérienne basée sur une nouvelle loi qui exige une part minimale de composants de production fabriqués localement, estimée à 10%, et qui accorde des avantages et des exonérations fiscales aux fabricants.
Des experts économiques estiment que l’industrie automobile en Algérie représente une opportunité d’investissement pour les entreprises, compte tenu de la demande intérieure croissante pour les véhicules. La demande du marché algérien est estimée entre 250 000 et 350 000 unités par an, selon des données officielles.
L’Algérie vise à relancer une « véritable industrie automobile locale » après une expérience malheureuse de projets d’assemblage et de montage lancés par l’État sous le règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, en raison de l’implication de leurs dirigeants dans des affaires de corruption financière.
« Chery »
Aymen Chérif, directeur de « Chery Algérie », a révélé dans une déclaration que sa société prévoit d’investir 110 millions de dollars dans le cadre d’un partenariat algéro-chinois pour lancer la fabrication de voitures « Chery » avant la fin de 2024, avec une production de 24 000 voitures la première année, pour atteindre 100 000 voitures la troisième année.
Il a ajouté qu’en tant qu’investisseur dans le domaine de la fourniture et de la fabrication de voitures, il a constaté des incitations gouvernementales qui encouragent le lancement d’une véritable industrie des véhicules par l’octroi d’exonérations fiscales incitatives pour l’importation des matières premières nécessaires à la production.
De son côté, le directeur général de la marque chinoise en Afrique, Ho Soon, a déclaré que l’entreprise considère l’Algérie comme « un marché important » et que le climat d’investissement y est « encourageant ».
Il a ajouté: « L’entreprise prévoit d’investir dans plusieurs villes en Algérie pour fabriquer plus de 50 000 voitures par an, un chiffre qui sera atteint progressivement. Nous lancerons ce projet en septembre ou octobre 2024 ».
« Geely »
Mohamed Gharbi, directeur général adjoint de « Geely Algérie », a declaré que sa société envisage de créer une usine de voitures à l’ouest de l’Algérie pour un investissement de 200 millions de dollars, avec une capacité de 50 000 voitures par an. La première voiture « Geely » du modèle « GX3 » sera produite en 2026, dans le cadre d’un partenariat entre les sociétés algériennes « Sodifram » et « Geely » chinoise.
Adoption de « JAC » et « Opel »
Selon le ministère de l’Industrie algérien, l’entreprise chinoise « JAC », en partenariat avec « Omin Auto », prévoit de construire une usine locale de production de voitures avec un taux d’intégration supérieur à 30%, pour une capacité totale maximale estimée à 100 000 voitures par an dans la wilaya d’Ain Temouchent, à l’ouest du pays, sans fournir de détails sur la date de début de la production. La société « Opel » a également obtenu une licence pour la construction d’une usine de voitures en Algérie, selon le ministère.
La création d’une industrie locale
Mondher Bouden, vice-président du Parlement algérien, souligne que son pays « essaie aujourd’hui de créer une industrie réelle, en exigeant des entreprises mondiales qu’elles utilisent des intrants de production fabriqués localement, à hauteur de 30% des intrants de l’industrie automobile ».
Il estime que l’industrie automobile locale permettra d’attirer d’autres investissements complémentaires à l’industrie des véhicules, ce qui permettra de compléter le tissu industriel et de créer des emplois pour les jeunes.
De son côté, l’expert économique Hussein Ben Aalia souligne que l’Algérie représente un marché important pour les investisseurs dans l’industrie automobile, évoquant la forte demande intérieure pour les véhicules dans le contexte de la pénurie que connaît le marché automobile, ajoutant que l’Algérie, de par sa position géographique et son orientation vers l’ouverture de frontières avec les pays voisins, constitue une porte d’entrée pour les constructeurs automobiles en Afrique.
Près de 30 entreprises ont présenté des demandes pour la création d’usines de voitures en Algérie, telles que « JAC », « Geely » et la société coréenne « Hyundai », selon l’agence de presse algérienne.
Il convient de noter que la société italienne « Fiat » a lancé fin décembre une usine pour sa marque dans la wilaya d’Oran, à l’ouest de l’Algérie, avec une capacité de production initiale estimée à 60 000 voitures par an dans la première phase, et vise à atteindre un objectif de 90 000 véhicules par an dans la deuxième phase.
Conditions et avantages
Le gouvernement algérien a adopté fin 2022 une liste de règles pour l’industrie automobile, dans une démarche visant à relancer l’industrie locale, et a adopté des avantages attrayants pour les fabricants.
Les fabricants de véhicules bénéficient d’exonérations douanières et d’exonérations de TVA sur les composants et les matières premières importés ou fabriqués localement dans leurs activités.
L’Algérie exige, pour exercer l’activité de fabrication de véhicules, le respect d’un taux d’intégration minimal de 10% à la fin de la deuxième année de démarrage de l’activité, pour atteindre 20% à la fin de la troisième année, puis 30% à la fin de la cinquième année.
L’activité de fabrication de voitures fait partie des « investissements structurants » qui donnent droit à l’investisseur de bénéficier d’exonérations fiscales et douanières sur les biens utilisés directement dans la production du projet, ainsi que l’exonération des taxes foncières pendant une période pouvant aller jusqu’à 10 ans, à compter du lancement du projet.
Il est également exigé que l’investissement réalisé respecte les critères de qualification des « investissements structurants » qui nécessitent un volume d’investissement d’au moins 10 milliards de dinars algériens (environ 75 millions de dollars), et la création d’au moins 500 emplois directs.
Les règles ont également imposé aux entreprises l’obligation d’exporter des véhicules à l’étranger après la fin de la cinquième année suivant l’obtention de l’autorisation de démarrage de leurs activités. Elles ne sont pas empêchées de procéder à des exportations avant l’expiration de ces 5 années.
Une expérience ratée
En 2014, l’Algérie a produit la première voiture assemblée localement sous la marque « Renault Algérie » – un partenariat algéro-français – dans une expérience qui s’est étendue à des marques comme « Kia », « Hyundai » et « Volkswagen », mais qui a finalement échoué et s’est soldée par la fermeture, ce qui a entraîné la perte de 51 000 emplois selon des données officielles.
Les projets d’assemblage de voitures lancés sous le règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika sont qualifiés d’importations masquées qui ont coûté cher à l’Algérie.
Les propriétaires de projets d’assemblage de voitures sous l’ère Bouteflika ont bénéficié d’avantages fiscaux et douaniers sans atteindre les taux d’intégration requis dans l’industrie automobile, étant donné que les véhicules arrivaient presque complets dans les usines.
La création de projets de fabrication de voitures localement en Algérie à la fin de 2023 coïncide avec le retour de l’activité d’importation de véhicules après environ 4 ans de gel des importations de véhicules neufs. Après des années d’interdiction, le gouvernement a adopté l’année dernière des lois autorisant l’importation de voitures neuves et d’occasion de moins de 3 ans.