ALGER – Le projet de loi sur la circulation routière, dans sa dernière mouture, introduit pour la première fois un ensemble de dispositions pénales visant à responsabiliser davantage plusieurs acteurs impliqués, directement ou indirectement, dans la survenue d’accidents de la route. Les nouvelles mesures prévoient des peines pouvant atteindre huit ans de prison ferme et des amendes comprises entre 50 et 80 millions de centimes à l’encontre des agences de contrôle technique, des écoles de conduite, des importateurs et vendeurs de pièces détachées contrefaites, ainsi que des services chargés de l’entretien des routes.

Cette réforme intervient à la suite d’instructions émises par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors d’un Conseil des ministres. Le chef de l’État avait alors insisté sur la nécessité de prendre en compte l’ensemble des facteurs pouvant contribuer à ce qu’il a qualifié d’« terrorisme routier », en exigeant une rigueur accrue envers toute partie dont la négligence ou les pratiques frauduleuses seraient liées à des accidents.
Des responsabilités élargies pour les acteurs techniques et les gestionnaires des routes
Parmi les nouveautés introduites, le texte consacre un chapitre spécifique à la responsabilité pénale des services de maintenance routière. Ces derniers pourront désormais être poursuivis lorsque la dégradation de l’infrastructure — absence de signalisation, défaut d’entretien, chaussée détériorée — est reconnue comme un facteur déterminant dans la survenue d’un accident.
Cette mesure répond à un constat régulièrement souligné par les experts du secteur : l’état de certaines routes, notamment dans les zones périurbaines et rurales, demeure un facteur aggravant, voire déclencheur, de nombreux accidents graves.
Des sanctions renforcées contre les pièces détachées contrefaites
Le texte s’attaque également au marché des pièces détachées non conformes. Les importateurs ou commerçants qui mettent en circulation des pièces contrefaites susceptibles de compromettre la sécurité mécanique des véhicules encourront désormais des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison dans les cas les plus graves, notamment lorsque la défaillance issue de ces pièces entraîne un accident mortel.
Cette disposition intervient à la lumière de plusieurs enquêtes menées ces dernières années, ayant démontré que des composants majeurs — freins, rotules, systèmes de direction — étaient parfois remplacés par des alternatives de mauvaise qualité, augmentant les risques de défaillance mécanique.
Les auto-écoles et les agences de contrôle technique également visées
Le projet de loi renforce aussi les sanctions pesant sur les auto-écoles et sur les agences de contrôle technique. Toute négligence avérée, falsification de document, ou délivrance de certificat non conforme aux règlements pourra engager la responsabilité pénale des établissements concernés.
Ces mesures s’inscrivent dans un effort plus large visant à assainir un secteur jugé sensible. Elles visent notamment à réduire les pratiques de complaisance dans l’octroi de permis de conduire ou lors des visites techniques, que plusieurs enquêtes ont identifiées comme source indirecte d’accidents.
Une réforme globale pour lutter contre les causes structurelles des accidents
Le nouveau texte, encore en phase finale d’examen, marque une évolution notable dans l’approche législative de la sécurité routière en Algérie. Pour la première fois, les autorités placent l’ensemble de la chaîne de responsabilité au cœur du dispositif : infrastructures défaillantes, contrôle technique insuffisant, formation des conducteurs et qualité des pièces détachées.
Cette vision élargie rompt avec une approche centrée uniquement sur la conduite individuelle et s’inscrit dans un effort de long terme pour réduire le nombre d’accidents et renforcer la culture de la prévention.