WASHINGTON – Les dirigeants du secteur automobile tirent la sonnette d’alarme : les États-Unis risquent de prendre un retard considérable sur la Chine dans la course mondiale aux voitures électriques, après le revirement de l’administration Trump en faveur des moteurs à essence, qui a provoqué une chute marquée des investissements dans ce domaine stratégique.
Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier dernier, Donald Trump a supprimé les incitations fiscales destinées à l’achat de véhicules électriques et a proposé d’assouplir les normes d’émissions de gaz à effet de serre — un virage net par rapport aux politiques environnementales de son prédécesseur, Joe Biden.
Selon les données du Clean Investment Monitor, un organisme affilié au Rhodium Group et au MIT, les investissements américains liés à la filière électrique — comprenant la fabrication de batteries, l’assemblage de véhicules et les infrastructures de recharge — ont chuté d’un tiers au troisième trimestre 2025, pour atteindre 8,1 milliards de dollars, contre plus de 12 milliards sur la même période un an plus tôt. En parallèle, près de 7 milliards de dollars d’investissements prévus ont été abandonnés entre avril et septembre.
D’après le Financial Times, cette contraction du soutien public américain risque de redessiner les rapports de force dans l’industrie automobile mondiale au cours des prochaines années, plaçant la Chine en position dominante et faisant vaciller la stratégie européenne de transition énergétique, notamment son objectif d’interdire les moteurs thermiques d’ici 2035.
« Nous devons accélérer notre développement pour rivaliser avec les constructeurs chinois », a prévenu Håkan Samuelsson, ancien PDG de Volvo, estimant que tout signal de relâchement du soutien public entraînerait un ralentissement brutal du secteur.
Face à cette tendance, plusieurs constructeurs européens appellent Bruxelles à assouplir l’interdiction des moteurs à combustion, en autorisant la vente de modèles hybrides rechargeables au-delà de 2035, afin de ne pas perdre davantage de terrain face à la concurrence asiatique.
Donald Trump, lui, maintient une ligne opposée à celle de Joe Biden. Il a averti que la généralisation des voitures électriques mènerait à la « disparition totale » de l’industrie automobile américaine, évoquant une hausse des coûts pour les consommateurs. Un message qui a trouvé un écho immédiat sur le marché : les prévisions de ventes de véhicules électriques ont été revues à la baisse.
Selon le cabinet AlixPartners, les voitures 100 % électriques ne représenteront que 7 % des ventes en 2026, soit la moitié des projections initiales. Les modèles hybrides atteindraient 22 %, tandis que les véhicules à moteur thermique domineraient encore le marché avec 68 %, contre 3 % seulement pour les hybrides rechargeables.
D’ici 2030, la part des véhicules entièrement électriques ne dépasserait pas 18 % aux États-Unis, contre 40 % en Europe et 51 % en Chine.
« Miser sur les moteurs à essence peut sembler une bonne nouvelle à court terme », explique Mark Wakefield, responsable du secteur automobile mondial chez AlixPartners. « Mais les entreprises chinoises avancent rapidement dans les domaines des batteries et des logiciels embarqués, ce qui leur confère un avantage technologique difficile à rattraper. »
En parallèle, Stellantis — propriétaire des marques Jeep, Peugeot et Fiat — a annoncé un plan d’investissement de 13 milliards de dollars aux États-Unis sur quatre ans, destiné à renforcer la production de véhicules à essence et hybrides, confirmant la bascule stratégique américaine.
Alors que la transition mondiale vers la mobilité électrique s’accélère, une question demeure : le retrait américain du soutien aux véhicules électriques n’est-il qu’un recul tactique temporaire, ou bien le signe avant-coureur d’une perte durable de leadership dans une industrie qui redessine déjà l’avenir du transport mondial ? ⚡🇨🇳🇺🇸